Rencontre entre musicien [PV Mohana]

Allen courait, il courait sans s'arrêter. Il ne savait plus pourquoi ou comment cela avait commencé, il savait juste qu'il courait depuis un long moment. Il avait mal aux poumons à force de courir. Il ne voulait pas se battre ... Non, il ne pouvait pas se battre. Une masse sombre derrière lui continuait de le poursuivre. Il ne savait pas pourquoi mais elle le suivait inlassablement comme son ombre. " De quoi as-tu peur Allen ? Laisse toi allez ... " Non, justement, il ne voulait pas se laisser aller. Car le faire serait signer sa mort et celle de son entourage et il n'en avait pas le droit alors il courait à en peindre haleine, fuyant toujours autant cette masse obscur qui continuait de le poursuivre. " Je dois continuer ... Ne pas abandonner ... Courir, continuer d'avance ... Mana ... ". Et alors que la masse sombre semblait gagner du terrain et enfin pouvoir l'engloutir, il se réveilla en sursaut.

La main posée sur son coeur tout en serrant son haut, il vérifia où il se trouvait. Il soupira un long moment pour se calmer. Encore une de ses mauvais rêves. Depuis que Nea était en éveille, ça n'arrêtait plus, il avait de plus en plus de mal à dormir tranquillement. Il soupira puis s'étira. Il s'était endormit à la belle étoile, loin de tout se qui concerné la congrégation. Il se leva avec du mal. Son innocence ... Il la regarda et bougea plusieurs fois ses doigts ... Non, ça allait, elle était toujours en forme, il n'avait rien à craindre de se côté là. Il épousseta ses vêtements de l'herbe qui y était resté accroché et alla récupérer son sac un peu plus loin.

Il portait un simple haut blanc, un peu ouvert en haut du torse et un pantalon de lin tout aussi blanc avec des mocassins. Tenu qui ne le quittait presque plus depuis sa " fugue " de la congrégation. Son sac une fois sur son épaule, il reprit la route. Il s'était donc endormit sur l'herbe. Un peu caché de tout le monde car, le champ où il avait dormit était loin de la ville. Il espérait pour le moment ne croiser ni Noah ni Akumas et encore moins des exorcistes. Surtout son maître ... Il sentit la sueur froide lui couler le long du dos en pensant à lui et se qu'il lui ferait subir s'il le trouvait.

Allen secoua doucement la tête ensuite, se n'était pas du tout le moment de se démotiver avec se genre de pensée. Nea ricane dans un coin de son esprit mais Allen décida de l'ignorer. Après tout, ce n'était pas la première fois que le 14ème faisait des siennes. Il guettait la moindre faiblesse chez son hôte pour prendre le dessus, dessus qu'Allen ne lui accordait vraiment que de mauvaise grâce.

Il regarda Tim qui volait par-ci par-là et soupira. Il n'avait pas put le laisser derrière lui, de plus Tim s'était accroché à lui de manière à ne plus le quitter alors il avait cédé et emmené avec lui le golem doré de son maître.

<< Tim ... Si jamais je perds la tête, vraiment, retourne au près du maître ... Je n'ai pas vraiment envie de te faire endurer ça. >>

Le golem doré revint alors vers lui et lui mordilla l'oreille pour lui montrer son mécontentement puis se posa sur la tête d'Allen. Ce dernier se frotta alors l'oreille avec un faible sourire.

* Je me demande ce que peut bien faire le maître en se moment même. *

A la recherche d'une petite lueur, comme un trésor, que Dieu laissa tomber un jour sur la Terre, comme un présent, pour que l'homme puisse combattre une force multiple et sombre, comme une sentinelle. Comme si dans son génie, il n'avait pas pensé que faire les hommes si diversifiés les conduirait à leur perte. Ou peut-être était-ce un sadique qui avait mis là exprès un groupe d'individus auquel il donna une plus grande force, et de l'autre côté une armée d'êtres plus faibles et qu'à chacun il avait dit, comme un vieillard ferait la leçon à des enfants naïfs, "tu détiens la vérité, va, mon enfant". Mohana à qui cette croyance en un être unique et parfait échappait totalement se demandait bien comment, si cet individu si puissant qui sait et voit tout ne donnait rien de son savoir aux hommes, ces derniers pouvaient prétendre détenir la vérité et avoir raison ou tort. Une lutte vaine de premiers de la classe, voilà comment elle voyait les choses dans leur état actuel. Pourtant, elle y prenait part. Et c'était bien ce qui la rendait dingue. A force de s'être heurtée à un mur en lançant le débat, elle s'était finalement résignée à faire ce qu'on lui demandait par simple attachement et dévotion. Et peut-être par redevance, aussi. Car si elle était en vie, c'était bien parce qu'ils l'avaient accueillie parmi eux sans faire d'histoire. Il fallait dire qu'ils avaient longtemps cherché à lui mettre la main dessus par le passé et comme par magie son père la leur avait envoyée en les suppliant presque. Parfois tout cela lui pesait. Elle était arrachée à sa vie, sa culture, comme une plante en pot que l'on essaie de faire survivre en serre dans l'espoir qu'elle puisse faire un bel ornement jusqu'à ce qu'on s'en lasse. Certes, ils étaient bien trop gentils et attentionnés pour être aussi cruels avec eux, mais il n'en était pas moins qu'elle se retrouvait dans un combat à des lieues de ses propres convictions. Et pour leur échapper, elle s'était isolée dans un lieu où ne serait-ce que la langue ne lui était pas étrangère. C'était ainsi qu'elle s'était retrouvée dans cette petite ville italienne.

Le soleil s'était levé depuis peu, mais elle marchait déjà, l'écho de ses souliers résonnant entre les façades étroites et rapprochées des ruelles. Elle croisait parfois des petites gens qui de bon matin se rendaient à leur office ou ouvraient leurs échoppes. Ils se saluaient, eux avec chaleur et bonne humeur, elle avec plus de réserve mais non sans sourire. Son italien n'était pas parfait, mais déjà meilleur que son anglais. Et même si elle n'avait jamais vraiment connu la ville avant son arrivée en Angleterre, elle se sentait mieux en ces lieux qu'au manoir avec les autres. C'était son milieu, la simplicité et la sincérité entière qu'elle avait toujours connu. Ces gens innocents, pécheurs ou non aux yeux de ce Dieu unique, avaient le mérite d'avoir l'amour que tout être humain devrait avoir en son cœur. Pourquoi l'humanité était-elle si moche ? Pourquoi les hommes aimaient-ils tellement se faire du mal ? Elle se demandait presque s'il n'y avait pas deux genres humains différents sur cette Terre.

Mohana déboucha sur une rue aux murs plus bas qui ceignaient de leur enceinte des jardins particuliers d'où s'échappaient des odeurs d'aromates et de feuilles de plans de tomates aux premiers rayons du soleil. Parfois des branches ou des sortes de lianes passaient au-dessus des murs et déchargeait dans l'air leur parfum. Encore quelques minutes et elle se trouva face à des champs à perte de vue, la paille dorée sous le soleil matinal. Quelque chose qu'elle connaissait bien aussi...

Il allait faire beau et sans doute chaud. Ce serait une journée loin des Noah, une journée simple et dans la nature, chose qui était dur à obtenir en leur demandant la permission. C'était pour cette raison qu'elle était partie en utilisant l'Arche de très bonne heure. Pour que personne ne lui demande de rester ou ne lui impose une escorte. Elle se félicita intérieurement d'avoir réussi à leur échapper et aussi d'avoir pensé à prendre une tenue adéquate. Emprisonnée dans un corsage blanc sans manches, elle avait passé à la va-vite une longue jupe noire et portait aux pieds les savates de cuir et de corde qu'elle portait en quittant son pays et qui lui servait d'ordinaire pour la saison des pluies. C'était tellement plus confortable que les bottines qu'elle se retrouvait obligée de porter dans sa nouvelle famille. Pour se protéger de la fraicheur matinale, elle avait entouré ses épaules et croisait à deux mains sur ses bras le châle vert et bleu que sa nourrice lui avait tissé pour se seize ans. Même si on ne lui aurait jamais reproché de le porter chez elle, il faisait partie d'un passé qu'elle avait cadenassé à double-tour dans son cœur et qu'elle ne préférait pas évoquer.

En marchant plongée dans ses pensées, elle fut bientôt en vue de la silhouette fine d'un jeune homme, figure entièrement blanche dans le paysage aux milles verts. Au plus ses pas l'en rapprochait, au plus quelque chose grandissait en elle. Comme un lien indéniable, une chose qu'elle ne pourrait pas rejeter même si elle le voulait, et en même temps qui l'effrayait. Fascinée par ce sentiment contradictoire, elle décida en bonne inconsciente qu'elle était de ne pas reculer, même si elle savait au fond d'elle-même qu'elle devrait. Réduisant encore la distance qui les séparait, elle s'arma d'un sourire avenant et d'un air calme, même si un petit monstre au fond d'elle hurlait une chose qu'elle ne comprenait pas.

"Excusez-moi, monsieur, puis-je vous aider ?" demanda-t-elle dans son italien le plus compréhensible.

Allen continuait sa marche tranquillement, cachant au mieux son bras gauche pour éviter que les gens en viennent à lui poser des questions sur la raison des étranges symboles sur son épaules puis de sa couleur noire, voir même qu'ils en aillent jusqu'à la conclusion qu'il faisait partit des chiens du Vatican ... Oui, un exorciste ... Il regarda Tim allait se poser sur son épaule après avoir fait un tour des horizons et sourit doucement.

Les rues étaient animés de bon matin, animés et chaleureuses. Cela lui faisait du bien. Ici, il pouvait se créer l'illusion que la guerre entre les Noah et les exorcistes n'était qu'un simple cauchemars, qu'en lui ne résidait pas la mémoire du 14ème, qu'il n'était pas un exorciste mais un enfant tout à fait normal ... Oui, il aurait put le faire, mais la sensation de son innocence, la vue de son bras gauche, les ricanements parfois audibles de Nea ne le lui permettaient pas, de plus fuir la réalité ne mènerait à rien et ce n'était pas dans ses habitudes de le faire. Pourtant une fois, rien qu'une fois ... Il aurait aimé avoir une vie normal comme tout le monde. Oui, rien qu'une fois.

Plongé dans ses sombres pensées, il ne remarqua pas Mohana qui s'approchait, se ne fut qu'en sentant Nea s'agiter, qu'il comprit que quelque chose n'allait pas. Son instinct aussi semblait lui hurler quelque chose qu'il n'arrivait pas à comprendre mais la sensation, il la connaissait. Fuir ... Partir loin de la personne qui venait vers lui ... Ne pas rester, les ennuis arrivaient avec elle.

Il releva pourtant la tête qu'il n'avait pas penser avoir baissé et regarda Mohana, elle était vraiment belle, il eut une pensée pour son maître, se disant que si ce dernier aurait été ici, il l'aurait sûrement déjà courtisé en le laissant de côté comme à son habitude. Il eut un très faible sourire, si elle arrivait à se fondre dans le décor, lui semblait vraiment à part, assortit ici de blanc, très voyant d'ailleurs avec le soleil. Comme s'il avait cherché à se qu'on le remarque alors qu'il voulait passer inaperçu.

Quand Mohana lui parla, il ne put s'empêcher un très faible pouffement fasse à son italien. Elle semblait avoir du mal mais faisait de son mieux pour se faire comprendre, en même temps lui n'aurait pas été mieux, il avait juste eut la chance de pouvoir toucher un peu à tout pendant ses voyages avec son maître. Il lui fit un sourire chaleureux comme il en avait l'habitude, en ignorant une fois de plus se qu'essayait de lui dire Nea.

" Je suis désolé mais je ne suis pas perdu, je ne fais que me balader. Je n'ai pas besoin d'aide, c'est très gentil de votre part de me l'avoir proposer néanmoins. "

Il avait pouffé de rire devant sa maitrise de l'italien, mais elle ne s'en vexa pas. Après tout, personne ne peut tout savoir, même si elle considérait tout de même qu'elle savait peu de choses du monde occidental. L'italien qu'elle connaissait venait des immigrants qui s'étaient installés pour faire fortune dans l'agriculture et l'export de café. Ils ne parlaient pas toujours très bien et la plupart d'entre eux mélangeait vite leur patois au brésilien, lui-même une variante du portugais. Cela donnait naissance à une langue très mélodieuse, mais tout sauf reconnue où que ce soit.

Lui adressant un sourire légèrement plus large, elle prit quelques secondes le temps de le détailler. Il n'était pas très grand, à peine plus qu'elle, et semblait très jeune. C'était encore un adolescent, il n'y avait aucun doute là-dessus. A regarder de plus près, il y avait bien des choses qui le confirmait comme étant une curiosité. L'un de ses yeux n'avaient rien de naturel -même si elle avait déjà vu des personnes avec des yeux rouges et qu'elle vivait avec un homme qui avait les yeux dorés. Là c'était l'intégralité de la chose qui était étrange. On aurait presque dit qu'un peintre avait dessiné les fondations d'un message très important au creux de cette pupille rouge mais qu'il n'avait pas eu le temps de l'achever. Certains devaient sans doute s'en horrifier mais Mohana ne s'en formalisait pas. Il y a des choses que la nature donne sans l'expliquer, mais ce que l'homme ne cache pas c'est pas un danger. On ne cache que ce qu'on a à se reprocher, du moins la jeune femme le voyait-elle ainsi. En revanche ce qui semblait déjà bien plus énigmatique et inquiétant était son bras. Elle avait depuis bien longtemps compris que les monstres de sa mythologie n'avaient rien à voir avec ce que les indiens décrivaient dans les légendes et qu'ils se cachaient sous des apparences diverses et parfois inattendues. Il aurait été presque trop facile de dire dans ce cas précis qu'il était un monstre, au sens maya du terme. Non, ce qu'elle se demandait en le voyant, c'était ce qu'il avait subi ou ce qu'on lui avait infligé pour qu'il se retrouve avec un bras dans cet état. Sans savoir pour quelle raison, ce membre noirci et meurtri lui rappelait les stigmates qui avaient apparu sur son front.

En tous les cas, il n'avait pas l'air ravi par la présence de la jeune brésilienne. Sans doute devait-il sentir lui aussi que quelque chose clochait dans cette rencontre, mais peut-être ne devait-il pas sentir le même besoin de se rapprocher, comme s'il était une partie des réponses et une charge supplémentaire de questions sur ce qu'elle était depuis si longtemps. Reprenant un sourire légèrement moins confiant, elle décida tout de même de se jeter un peu à l'eau. Après tout, il ne devait pas être bien dangereux. Et au pire des cas...Non, elle ne préférait même pas penser au pire. On ne fait pas de mal aux humains. En faire serait devenir comme ceux qu'elle avait toujours détesté. Même si la famille qu'elle aimait maintenant était en grande partie composée de tueurs.

"Excusez-moi mais...on ne serait jamais vus avant, par hasard ?"

Allen recula d'un pas sous le regarda scrutateur de Mohana. il avait l'habitude que les gens le dévisage mais avec elle, cela devenait gênant. il n'aimait pas ça. Quand le regard de la jeune Noah ségara sur son oeil gauche, il eut le réflexe de vouloir le cacher et grimaça encore plus quand le regard de cette dernière se fixa finalement sur son bras gauche.

Il se recula doucement. Nea semblait perdre patience à cause du faite qu'Allen continuait de l’ignorer. allen regarda discrètement autour de lui, les gens les regardaient parfois puis se mettaient à chuchoter entre eux avant de les regarder avec méfiances puis de s'éloigner. Le jeune exorciste baissa la tête un instant en réfléchissant. Mohana venait de le prendre de court dans ses réflexions avec sa question mais il n'eut même pas le temps de répondre que Nea se fit un plaisir de le faire à sa place.

- Cela m’étonnerait jeune femme. À moins que votre âme soit un morceau égaré de ma mémoire, je crains que nous n'ayons rien en commun et encore moins que nous nous soyons déjà vu quelques parts.

Il remit une des mèches blanches d'Allen derrière l'oreille du jeune homme et continua de sourire. Mais le sourire était différent d'avant, bien plus mystérieux. Comme s'il savait bien plus de chose qu'il ne voulait bien le faire croire. De même pour le regard, si celui d'Allen était souvent songeur, haineux ou amusé voir méfiant ou sur ses gardes, le regard qu'aborda Nea était à la fois neutre mais toujours entrain de détailler se qu'il se passait près de lui.

* - Nea !

- Hm ?

- De quoi parles-tu ? Je n'ai jamais vu cette fille de ma vie.

- Un peu normal gamin. Elle n'est pas comme les autres.

- Comment ça ?

- Tu verras ça en temps voulut.

- Et c'est quoi cette histoire d'âme qui aurait à voir avec ta mémoire puis arrête de faire ça, je te signale que c'est mon corps pas le tient.

- Cela ne te regard en rien Allen, c'est une histoire entre moi et les autres Noah. Et ton corps m'est destiné ne l'oublie jamais.

- Tu peux toujours rêver. C'est mon corps et je le garde et ça me concerne vu que tu cherche à te l'approprier. *

Nea ignora la dernière remarque d'Allen et regarda Mohana avec un franche amusement. Ainsi le fragment qui lui manquait été là, juste devant lui et il était apparemment retourné auprès des siens. Intéressant.

Allen quant a lui soupira. Le revoilà bloqué dans son propre esprit, enchaîné à nouveau à ce siège qu'il commençait à détester de plus en plus. Il regarda autour de lui en cherchant un échappatoire comme à chaque fois. Il devait à tout prit garder le contrôle de son corps, il ne devait pas le laisser à Nea, il ne devait pas disparaître et surtout pas comme ça, il avait encore bien trop de chose à faire.

Il devait être gêné qu'elle le détaille, mais en même temps il était dur de ne pas prêter attention à certaines choses étranges. Cependant, ce n'était pas de la curiosité malsaine. Mohana prenait les gens comme ils étaient physiquement, sans se moquer d'eux ni même les juger. Seulement, elle se doutait bien qu'une personne avec une apparence aussi atypique devait s'en sentir gênée, a fortiori si quelqu'un était là pour la dévisager. Elle avait presque envie de s'excuser, mais en même temps elle ne l'avait pas vraiment agressé, elle ne voyait pas comment présenter la chose. Ce que les occidentaux pouvaient être compliqués ! Il y avait tellement de choses qui ne se faisaient pas, alors qu'il n'y a rien de plus naturel que regarder l'autre pour savoir à qui l'on parle. Dans l'idéal, il faudrait quitter la personne en ne pouvant pas dire la couleur de ses yeux ou à quoi ressemble son sourire. Avoir des yeux pour ne pas s'en servir, quoi de plus absurde ?

En même temps, il y avait bien quelque chose qui faisait craindre le regard des autres, c'était la moquerie et le rejet. Mohana n'avait jamais connu que de la curiosité pure et innocente parmi ceux avec lesquels elle avait vécu. Au contraire, être regardé était la marque qu'on était digne d'intérêt et il était rare qu'une personne au sein de cette communauté ingénue soit mise à l'écart par les autres pour une histoire d'apparence. Lui expliquer sa manière de voir les choses prendrait du temps et ne serait pas nécessairement une bonne idée. Ce serait peut-être même pire.

La réponse la fit sursauter. Quelle était cette voix ? Cette manière de parler ? Il avait changé et pourtant, c'était le même. Non, il y avait quelque chose en elle qui venait de bouger en elle. Comme si ce garçon l'attirait par le cœur comme s'il tirait sur un fils invisible pour le lui arracher. Elle jeta un regard à droite, puis à gauche et attrapa le jeune homme par le bras pour l'emmener dans un endroit plus à l'abri des regards. On ne discute pas de ce genre de choses dans la rue. La discrétion était au moins une chose commune à toutes les sociétés qu'elle avait connues.

Elle le dévisagea d'une toute autre manière, presque énervée, mais surtout déjà moins assurée. Comment un gosse pouvait-il être au courant de sa condition ? Elle savait qu'elle était la mémoire du musicien, mais elle savait aussi qu'il était très probable qu'elle ne soit pas exactement ce que sa famille croyait. Mais elle était un esprit faible qui avait besoin d'autre chose pour survivre. Sans ça, elle serait morte. Cependant, il était improbable qu'un inconnu le sache...à moins que...A moins qu'il ne soit lui-même un noah ? Non, le Comte l'aurait déjà trouvé. Mais bien sûr ! Il lui avait bien dit qu'il existait un jeune homme qui était la réincarnation de Nea. Alors c'était donc lui ? Mais pourquoi ne portait-il pas le manteau de la Congrégation s'il était un exorciste ? Non, quelque chose clochait, ça n'était pas lui et pourtant il semblait vouloir lui extirper sa force. Il fallait vraiment qu'elle sache ce qui se passait, sinon elle serait en danger, elle le pressentait. Si elle ne s'était pas déjà mise en danger par son imprudence... Tyki lui en voudrait longtemps pour cette escapade. Très longtemps. "Comment vous savez qui je suis ? Qui vous a parlé de mémoire ?"

Nea dégagea le bras d'Allen et regarda calmement Mohana. Il était simple de savoir à quoi elle pouvait bien penser en ce moment même. Il la bloqua contre le mur alors qu'un sourire légèrement narquois étira les fines lèvres du jeune Walker.

- Ne joue pas à ça, jeune Noah. Tu sais qui je suis. Ce que nous sommes. Un tout et un rien en même temps. C'est bien dommage, moi qui pensait avoir enfin retrouvé ce qui avait disparut, je me rends compte, que pour se que tu es, tu as l'air plus faible que se que tu aurais du être.

Il se recula en riant doucement et s'appuya nonchalamment contre l'autre mur en regarda autour de lui. Penchant légèrement la tête de côté, Nea se mit à écouter les commentaires d'Allen qui s'énervait de plus en plus. Qu'il s'énerve donc, ce n'est pas comme ça qu'il reprendra le contrôle de son corps.

- Restez calme jeune fille. Je sais se qui vous tiraille mais je n'ai pas le temps de jouer à chat ni de vous tuer pour récupérer mon bien. Mon hôte est assez contraignant. Vu qu'il ne se laisse pas dominer facilement, on peut dire que la vie est mouvementée mais qu'au moins, on ne s’ennuie pas.

Nea regarda Mohana droit dans les yeux en souriant toujours. Quel importance cela pouvait-il faire qu'il lui dise cela ? Sûr que ça pourrait le mettre en danger mais non. Pour le moment, elle ne pourrait rien faire. Enfin, elle pourrait, il sentait qu'elle contrôlait ses pouvoirs mais il sentait son hésitation aussi. Après tout, Noah ou exorcistes, ils restaient humains. Faisant une révérence avec toujours le même sourire amusé, il laissa Allen reprendre le contrôle. Ce dernier, se laissa glisser le long du mur, le temps de bien se reprendre.

- Nea ...

Allen passa sa main sur son front, ne prêtant pas attention à Mohana pour le moment. Il commençait à fatiguer de ses rapports de force mais il n'avait pas le choix, même s'ils doutait, il devait tenir bon coûte que coûte. Il avait encore trop de choses à faire et à protéger. N'écoutant pas le ricanement de Nea, il se servit du mur pour se relever et regarda la jeune Noah. devait-il activer son innocence ou pas ? C'était une Noah certes mais elle ne semblait pas vouloir le tuer ni vouloir se battre tout court pour le moment. Elle semblait même bien trop douce pour ça mais il le savait, les apparences peuvent être plus trompeuses qu'on pourrait le croire.

- Il a bien dit que tu étais une Noah. Je ne comprend pas. On m'a toujours dit qu'il n'y avait qu'un seul musicien. Je suis Allen Walker et je compte bien le rester que cela plaise ou pas à Nea.

Elle se retrouva contre le mur derrière elle, les yeux plongés dans celui du jeune homme en face d'elle. Au plus les secondes défilaient, au plus elle sentait en elle cette montée de familiarité, comme si elle se retrouvait avec elle-même. Oui, comme si elle était face à un miroir qui ne renvoyait pas un reflet superficiel, mais celui de l'essence même de son âme. Dans ce regard elle ne reconnaissait rien pour reconnaître cette partie solitaire d'elle-même qui semblait pleurer parfois d'être loin de quelque chose. Dans le fond, son noah et elles étaient pareils : auprès de leur famille, mais loin de leur nature. C'était peut-être pour cette raison qu'elle se sentait parfois si éloignée du Clan. Elle n'en était pas entièrement un membre et pourtant rien au monde n'aurait pu l'empêcher d'en faire partie.

Une curieuse force montait en elle tandis qu'il lui parlait. Faible ? Elle ? Peut-être bien, en effet... Avec un sourire énigmatique aux lèvres, elle parla à voix basse et pourtant audible, ne montrant plus aucune crainte maintenant qu'elle se sentait enveloppée par sa propre présence : "Peut-être parce que vous ne m'avez pas laissé assez de vous pour être plus forte." La proximité n'était plus symbole de danger. Au contraire, que pouvait-il lui faire de mal puisqu'ils étaient la même entité scindée en deux ?

Son regard toujours plongé dans celui de son interlocuteur qui paraissait calme, elle se demandait par quel hasard elle avait bien pu tomber sur lui en voulant fuir le Manoir. Est-ce que dans le fond, il est impossible d'échapper à son destin ? Ne pourrait-elle jamais passer une journée sans que celle-ci soit irrémédiablement placée sous le sceau de la malédiction ? Ou devrait-elle plutôt dire du don puisque sans son noah, sans doute ne serait-elle plus de ce monde... Alors il se pouvait bien en effet que sa vie entière ne soit plus que ça. Peut-être même que depuis bien longtemps, elle était ce noah, elle n'était plus Mohana en croyant l'être encore. Après tout, à six ans on ne peut pas définir avec certitude ce que l'on sera. Oui, peut-être bien qu'elle n'avait jamais été autre chose qu'un noah anonyme, sans identité, un petit fragment égaré qui erre sans connaître sa place...

Et puis il prononça le mot "tuer". Un mot, un tout petit mot qui pourtant ôte ce qu'il y a de plus important. Et puis, en quoi devait-il récupérer son bien ? Elle n'était plus lui, elle ne l'avait jamais été. La brésilienne allait lui répondre quand elle le vit soudainement changer d'attitude. Alors toi aussi, petit homme, tu ne peux pas toujours maitriser ce qui devrait t'appartenir ?... La jeune femme ressentit de la compassion pour cet humain qui avait hérité de la partie la moins évidente d'un être complexe. Mais peut-être que dans le fond, il avait de la chance de ne pas avoir réuni la totalité de ce noah.

Elle attendit qu'il reprenne la parole avant d'elle-même le faire. On ne peut pas lutter bien longtemps face à une entité millénaire. Il devrait apprendre à faire avec pour ne pas se perdre lui-même sans pour autant en souffrir. De même que se battre contre soi-même était une action vaine. Avec un léger sourire, elle tenta de s'expliquer clairement : "Je ne suis pas le musicien à proprement parler. Je ne suis qu'une partie de lui. Celle qui a demandé à rester auprès des siens parce que son amour pour eux était trop fort. Vous n'avez rien à craindre de moi, je ne vous ferai aucun mal. A moins que bien sûr vous ne soyez le premier à attaquer mais je vous le déconseille fortement. Ce serait inutile et surtout stupide de nous battre alors que nous connaissons les mêmes tourments."

Allen respira profondément pour se calmer un peu. Nea était silencieux, tant mieux, cela lui laisser un peu de répit. Il regarda ensuite Mohana. Elle n'était pas le musicien à proprement parler ? Oui, ça il l'avait plus ou moins comprit, Nea ne laissait aucun doutes sur cela. Hum ... Un fragment de lui qui a voulut rester auprès des autres ? C'est possible ça ? Il ne pensait pas qu'un Noah pouvait se scinder ainsi. Les Noahs sont vraiment étrange en soi. Enfin, il n'allait pas non plus s'extasier face à ça.

- Les mêmes tourments ? Je dirais que si nous avons le même Noah vous avez hérité de la partie la plus calme.

Il détacha son dos du mur et se tenu droit face à elle. Ce n'était plus le moment de flancher en cet instant même. Il se rappela vaguement sa rencontre avec son maître et se morigéna de laisser une fois de plus Nea faire se qu'il voulait. Il épousseta ses vêtements blancs légèrement poussiéreux maintenant à cause du mur et ferma un peu les yeux, le temps d'être complètement calme. Même sans les paroles de Mohana, il sentait que le danger était loin mais il n'y pouvait rien, mieux valait garder un peu de méfiance en rigueur quand même.

- Je ne sais même pas ton nom. Je m'appel Allen Walker mais ça, je pense que tu dois le savoir. Le Comte ne m'a pas dans ses bonnes grâces non plus, tout comme le reste du clan. Enfin, Road doit être une exception, je suppose, de même pour Tyki. S'il n'aurait pas eut une tel haine pour les exorcistes et qu'il n'avait pas eut l'ordre de me tuer à un moment, ça serait moins mouvementé. Je me demande s'il s'est amélioré au jeu.

Allen eut un vague sourire en se remémorant sa première rencontre avec Tyki dans le train quand il les avait plumé lui et ses amis pour pouvoir rendre ses bien à Krory. Il sortit de sa poche de pantalon, le paquet de cartes que lui avait laissé le Noah du Plaisir à ce moment là.

- Je n'ai rien de spéciale contre les Noahs, je n'aime pas les manières de faire du Comte et je lui en veux pour bien des choses comme j'en veux aux innocences pour bien d'autres mais bon, j'ai eut un maître qui m'a apprit que s’apitoyer sur son sort ne mène à rien et j'ai eut un père adoptif qui m'a montré que d'aller toujours de l'avant est parfois mieux que de rester à faire du surplace ou d'avancer à reculons.

Allen ne comprenait pas vraiment pourquoi il lui disait tout cela, peut-être car il ne sentait aucunes animosités à son égard venant de Mohana. De plus, elle disait connaître les même tourments que lui. Il en avait des doutes mais au moins, cela lui permettait de se sentir un peu moins seul même si se n'était que pour quelques secondes.